Le secret médical

Rapport adopté lors de la session du Conseil national de l'Ordre des médecins d'avril 2000 Dr Robert SAURY

SECRET MEDICAL ET COMPAGNIE D'ASSURANCES

PREAMBULE

a)   Les données du problème

L'information médicale est nécessaire à l'assureur que ce soit pour l'évaluation des risques avant l'établissement d'un contrat ou dans l'application de celui-ci pour l'estimation d'un dommage survenu à l'assuré.

Le problème du secret médical confronte alors le médecin traitant et le médecin de sociétés d'assurances.

La notion fondamentale veut que seul le patient a le droit de disposer de son secret.

Le secret médical ne doit jamais être dévoilé à un tiers, même avec le consentement du malade - et celui-ci ne peut pas déléguer à son médecin traitant le droit de disposer du secret le concernant.

Quant à la notion jurisprudentielle du secret médical partagé, elle ne s'applique qu'aux médecins qui concourent au diagnostic et au traitement. Or, tel n'est pas le cas du médecin de sociétés d'assurances qui est ici un tiers.

* Toute information médicale doit donc transiter obligatoirement par l'intermédiaire du patient.

b)  La conduite à tenir pour le médecin traitant

Il doit remettre à son patient (et seulement à celui-ci ou, en cas d'incapacité, à son représentant légal) tout document médical justificatif le concernant. (article 76 du code de déontologie médicale)

Il doit se garder de délivrer un faux certificat ou même un certificat tendancieux ou de complaisance (articles 24 et 28 du code de déontologie médicale).

Le médecin traitant n'a pas à répondre à une demande é renseignements médicaux qui lui est adressée par un tiers quel qu'il soit.

c)   Quant au médecin conseil de compagnies d'assurances

Il ne peut faire état dans son rapport que des informations médicales fournies directement par la personne examinée et des documents médicaux transmis par celle-ci.

Toute information recueillie en dehors de cette personne constitue une violation du secret médical.

Le médecin de compagnies d'assurances n'a à transmettre son rapport médical qu'au médecin conseil du service médical de la compagnie d'assurances qui l'a mandaté (et pas directement à l'assureur malgré l'ambiguïté des termes de la loi Badinter).


C'est à ce médecin qu'il appartiendra de communiquer à l'organisme assureur les conséquences administratives des constatations médicales (au sens de l'article 104 du code de déontologie médicale).

1. LE SECRET MEDICAL ET L'ASSURANCE CHEZ LE SUJET VIVANT

a)  Le " questionnaire de santé " que l'organisme assureur demande au patient de remplir ne peut être rédigé que par celui-ci ; qu'il s'agisse d'un questionnaire préalable à l'établissement d'un contrat ou d'une fourniture de renseignements pour l'évaluation d'un dommage indemnisable.

Le médecin traitant, même avec l'assentiment de son patient, n'a pas à remplir un tel questionnaire, même en le remettant ensuite à son patient pour en disposer.

Il n'a pas non plus à valider ce questionnaire en le contresignant.

Il existe à cela une raison majeure constituée par l'existence d'une maladie grave ou même d'un pronostic fatal qui n'a pas été porté à la connaissance du patient (article 35, alinéas 2 et 3 du code de déontologie médicale).

En ce cas, le médecin ou bien cautionnerait un mensonge par omission et il se rendrait alors complice d'une escroquerie à l'assurance ou bien il violerait le secret médical.

b)  Le certificat médical (article 76 du code de déontologie médicale) ne peut être remis qu'au patient lui-même par le médecin traitant. Celui-ci n'a jamais le droit de l'adresser à la société d'assurances ni au médecin conseil de celle-ci. Seul le patient peut décider de la communication du certificat médical qui lui a été remis notamment afin de faire valoir ses droits. Il lui appartient alors d'adresser le document au médecin d'assurances sous pli cacheté.

2. LE PROBLEME DU SECRET MEDICAL EN MATIERE D'ASSURANCES EN CAS DU DECES DE L'INTERESSE

Il s'agit du certificat médical établi post mortem.

Seul le patient peut de son vivant disposer de son secret. Le médecin reste toutefois le défenseur naturel de son malade, même après le décès de celui-ci.

Or, ce médecin traitant est tenu par le secret médical de son patient défunt et il lui est interdit de le divulguer à l'égard d'un tiers quel qu'il soit (et notamment à un organisme d'assurances ou à son médecin conseil).

Cependant, tout citoyen a le droit de prendre de son vivant des dispositions en cas de décès telles que rédiger un testament ou contracter une assurance vie.

Lorsque le médecin se trouve sollicité pour délivrer un certificat médical post mortem, il reste seul juge de son comportement dont il doit décider en conscience. Il doit veiller cependant à ne pas faire obstacle par son refus à des dispositions légales et priver de ce fait les ayants droit de son patient défunt d'un avantage légitime juridiquement protégé prévu par le contrat, tel que le versement du capital d'une assurance-vie.

Certes, le médecin traitant n'est pas l'exécuteur testamentaire de son patient. Il ne saurait toutefois refuser d'établir un certificat médical post mortem faisant valoir les droits de celui-ci.



Il ne peut cependant le délivrer qu'aux ayants droit légitimes du défunt. Le médecin n'a pas à dévoiler la cause médicale du décès, mais il a le droit d'attester que la cause de ce décès ne figure pas parmi les clauses d'exclusion des garanties.

En matière de suicide notamment (lequel est généralement exclu des garanties contractuelles et en tous cas dans le délai de deux ans qui suit la souscription du contrat), le médecin ne peut ni rédiger un faux certificat (article 28 du code de déontologie médicale et article 441-8 du code pénal) qui ferait état d'une mort de cause naturelle ni porter tort à la mémoire de son patient en signalant le suicide.

C'est seulement lorsque la cause du décès correspond aux garanties contractuelles que le médecin traitant peut délivrer un certificat, c'est-à-dire attestant l'existence soit d'une mort de cause naturelle en raison d'une maladie soit du fait d'un accident (les garanties se trouvant en ce cas souvent majorées).

Il ne peut le faire toutefois que sous la double réserve que le patient ne lui ait pas interdit de son vivant ou que le médecin n'ait pas connaissance d'un litige existant entre les ayants droit notamment en cas de dissentiment notoire ou de conflit successoral. C'est en effet alors à la justice d'en décider.

3. LE PROBLEME DE L'ACCES AU DOSSIER MEDICAL EN CAS D'EXPERTISE PRIVEE (qui concerne aussi bien l'individu vivant qu'un sujet décédé)

a)   Les textes actuels prévoient que le patient ne dispose pas d'un droit d'accès direct à son dossier médical hospitalier. Il ne peut en avoir communication " que par l'intermédiaire d'un médecin désigné à cet effet".

Il en est de même pour ses ayants droit (loi du 6 janvier 1978 sur l'informatique et libertés, loi hospitalière du 30 juillet 1991, article L. 710-2-2 du code de la santé publique).

b)  Les documents qui composent un dossier médical ne sont définis qu'en ce qui concerne ce dossier hospitalier (article R. 710-2-1 du code de la santé publique).

Il s'agit de l'énumération limitative des documents du dossier dit communicables en tous cas en matière civile.

Ce n'est en effet qu'en matière pénale que la totalité du dossier peut faire l'objet d'une saisie judiciaire ordonnée par un magistrat (et en présence d'un représentant du Conseil de l'Ordre des médecins).

c)   Quel médecin peut être désigné ?

En général, c'est le médecin traitant lequel disposant d'un droit d'accès direct au dossier médical de son patient a ainsi vocation naturelle à être ce médecin intermédiaire.

Il reste toutefois juge des informations qu'il estime devoir communiquer.

Il n'est pas indispensable cependant que le médecin intermédiaire ait la qualité de médecin traitant. Tout médecin peut être désigné à cet effet (arrêt du Conseil d'Etat du 22 janvier 1982).

En ce qui concerne le médecin des compagnies d'assurances, bien que la C.A.D.A. (Commission d'accès aux documents administratifs) n'y soit pas défavorable (sous réserve de l'article 104 du code de déontologie médicale) ; la C.N.I.L. (Commission nationale de l'informatique et des libertés) et le C.N.O.M. (Conseil national de l'Ordre des médecins) y sont opposés.




En effet, les dispositions des articles R. 710-2 et R.710-2-2 du code de la santé publique (qui subordonnent à l'intermédiaire obligatoire d'un médecin désigné à cet effet l'accès au dossier médical du patient) ont pour but essentiellement de répondre au droit d'information du patient. Elles ne constituent pas pour autant une dérogation légale au secret professionnel, lequel exclut les tiers.

La désignation en qualité de médecin intermédiaire d'un médecin de sociétés d'assurances constituerait un détournement de l'esprit des lois d'accès au dossier médical.

En effet, même par l'intermédiaire d'un médecin, l'assureur qui est toujours un tiers, ne saurait avoir accès au dossier.

* EN DEFINITIVE, le législateur a voulu que le patient ou ses ayants droit légitimes aient accès au dossier médical. S'il a tenu à ce que ce soit par l'intermédiaire d'un médecin, c'est en raison des exigences du secret médical et de la déontologie médicale. Il appartiendra en effet à ce médecin de décider ce qui peut être considéré comme communicable dans l'intérêt du patient et ce qui n'a pas à être divulgué pour les raisons qu'il aura à estimer en conscience. Ce sera alors au patient lui-même ou à ses ayants droit de décicbr de l'utilisation des informations qui leur seront ainsi transmises et le cas échéant, de les adresser à la société d'assurances en cause. C'est à eux et à eux seuls qu'il appartiendra de les communiquer éventuellement au médecin de cette société d'assurances. Il est en effet interdit au médecin qui a accès au dossier de transmettre la moindre information à un tiers quel qu'il soit, non seulement un assureur ou un médecin, mais également un avocat, un notaire, un parent ou un allié. Ce faisant, il violerait en effet de manière répressible le secret médical.

En résumé, qu'il s'agisse de l'utilisation des données du dossier médical ou de la délivrance de tout certificat, le médecin traitant est le défenseur naturel de son patient. Il le reste après le décès de celui-ci. C'est ce principe qui doit inspirer sa cond

Mis à jour le 05 Juin 2023